La Langue, porteuse d’enjeux et gardienne d’identité?

Au printemps dernier à mon initiative et en collaboration avec Le Centre d’études Jacques Georgin, s’est tenu au Parlement Bruxellois un colloque investissant la langue comme porteuse d’enjeux(revisionner le colloque ici).

Par des exposés intéressants et de riches échanges avec le public, celui-ci aura brossé une toile édifiante d’une situation que nous ne pouvons ignorer en ce jour de fête de la Communauté française. Retour sur une thématique où se mêlent défense de l’identité et préservation du patrimoine. Thématique forte face à un phénomène en telle progression, je considère en tant que parlementaire pour le groupe DéFI, qu’il y a urgence de pousser la réflexion et le débat dans notre hémicycle bruxellois.  
La Belgique, pays enchâssé au cœur de l’Europe, a été depuis sa genèse le théâtre de questions linguistiques récurrentes. Dès sa création, il a dû jongler avec la complexité de sa diversité linguistique. Date clé, rappelons-nous que c’est en 1932 que le législateur avait pris une décision de dimension historique, instaurant l’unilinguisme en Flandre et en Wallonie, tout en maintenant un statut bilingue pour Bruxelles et les institutions nationales. Cette loi, trait d’union entre deux mondes linguistiques, témoignait à l’époque d’une volonté d’apaisement qui n’aura pu s’établir sans une permanente mise en tension d’intérêts, qu’ils soient de nature nationale ou, aujourd’hui, internationale.
La situation linguistique propre à Bruxelles, telle une fresque en constante évolution, s’écrit au fil des réformes institutionnelles du pays, des revendications culturelles flamandes, et des aléas de la politique. Le français y est incontournable bien que des voix en Flandre prônent un confédéralisme menaçant la place du français à Bruxelles.
Bruxelles, ville aux origines certes flamandes, affirme comme nous le savons une forte identité francophone et, ne contestant pas au français sa nature vernaculaire, la législation délimite le statut des langues dans la capitale. Le multilinguisme, pierre angulaire des institutions européennes, se trouve encadré par une multitude de traités et règlements. Pourtant, malgré ces dispositions légales, c’est l’ombre d’un anglais conquérant qui plane sur ces mêmes institutions et, ce,  particulièrement depuis les derniers élargissements de l’Union européenne. Au-delà d’aspects purement locaux, le français et son avenir dépendent également de sa position stratégique au sein des institutions européennes. L’intrusion de l’anglais dans ces institutions, malgré un Brexit consommé, favorise l’invisibilisation, la minorisation d’un français au rayonnement pourtant mondial. À titre d’exemple,  il n’est pas rare de voir à la Commission européenne, censée opérer en trois langues de travail, des réunions internes se dérouler exclusivement en anglais, au mépris d’accords fondamentaux. Cette situation se répète, évidemment, dans d’autres instances, favorisant ainsi un “globish” faisant fi des cultures et des particularismes. Un anglais de terminal d’aéroport sacrifiant la richesse de la diversité non pour gagner en simplicité, mais bien en simplisme.
L’importance du multilinguisme, au service de l’identité et de la cohésion de l’Union européenne, ne saurait être sous-estimée. Préserver cette diversité linguistique, c’est se porter garant d’un aspect édificateur du rêve européen: la rencontre et la solidarité des cultures. Cultures dont les langues forment le dépôt naturel. Langues dont la nature conditionne en partie notre façon de penser et d’appréhender le monde. 
Or, même à l’extérieur des institutions européennes, le fléau de l’anglicisation progresse et Bruxelles n’y échappe pas. Certains secteurs économiques y embrassent l’anglais avec une ferveur déconcertante, javellisant par-ci, diluant par-là une identité complexe au maillage dense.    Alors qu’une tendance semble s’imposer en faveur d’une internationalisation par l’anglais, certaines initiatives luttent pour préserver l’attachement de Bruxelles à sa dimension francophone, aspect majeur de son identité.  Hélas, ces dernières rencontrent moins de succès face à cette marée montante. Le besoin de pluriel, de commun, ne pourrait se traduire par l’effacement du singulier, du particulier, sans perdre, par là, sa mission de chérir le trésor de la diversité. Persistent, la preuve en est, des remèdes bien pires que le mal qu’ils prétendent vaincre.
Les conclusions que nous avons tracées incombent à la classe politique. Dans ce cadre, je m’engage à porter cette thématique au coeur des débats parlementaires en produisant et en soutenant les mesures concrètes qui doivent être adoptées pour préserver la diversité linguistique,sa richesse et la part de cohésion sociale qui en découlent naturellement. Je souscris à ce que des médias, tels que la RTBF, en tant qu’artisans de la culture, soient sensibilisés et encouragés dans le rôle capital à jouer pour éduquer le public à ces enjeux cruciaux. La défense du patrimoine culturel et linguistique français, pour toujours lié à Bruxelles – au même titre que le flamand – n’est en rien une réaction, mais plutôt une œuvre de conservation, comparable à la préservation du vivant ou du patrimoine. Il est impératif que les pouvoirs publics prennent des mesures pour réguler ce péril linguistique et culturel et considèrent ses enjeux à long terme.  De concert avec mon engagement politique, j’invite de tout cœur les citoyens, usagers/dépositaires de cette richesse, à s’engager pour préserver cette diversité linguistique et la cultiver. Ensemble, dessinons, par des mots, le tableau de l’identité, de la diversité et de l’unité d’une Belgique multilingue.