La langue, porteuse d’enjeux politiques ?

« L’usage que l’on fait d’une langue touche aussi à la question du pouvoir et aussi à celle des représentations mentales ; adopter une langue, c’est adopter une certaine façon de penser et de voir la réalité. Aujourd’hui, le règne politique et culturel des États-Unis passe par la domination de la langue anglaise dans le monde entier. » (Michel Brix, directeur de recherche à l’UNamur)

Langlicisation galopante : danger ou atout ?

Il existe actuellement dans le monde environ sept mille langues. D’après certaines études, il n’en subsistera probablement que trois mille cinq cents d’ici la fin du siècle, soit une perte annoncée de 50%! Ce qui pose gravement la question de la protection de la biodiversité linguistique et culturelle et donc de la pensée et du raisonnement.

Un récent article de France Culture (21/05/2021) évoquait par exemple l’anglicisation de la langue italienne, au point que des voix s’élèvent de plus en plus pour exiger une loi la protégeant. S’il faut encourager l’enseignement et la connaissance d’autres langues telles que l’anglais, l’espagnol ou le chinois et reconnaitre l’intérêt professionnel que cela peut représenter, ne tombons pas dans un excès de naïveté conférant à une langue, l’anglais, un rôle d’ouverture au monde. À y réfléchir, le globish*ne relève-t-il pas en réalité davantage de la fermeture, de l’uniformisation et de l’appauvrissement ?  Les institutions européennes dominées par un jargon essentiellement anglais et bureaucratique sont l’exemple de cet appauvrissement. De plus, cela crée une rupture entre les citoyens et ces institutions ce qui nuit au bon fonctionnement démocratique de l’Europe.

Barbara Cassin, philosophe, perçoit l’uniformisation comme une perte terrible, mais encore comme une forme d’incompétence notoire dans la communication. En témoignent les recherches qu’elle a dirigées: des mots aussi quotidiens que « liberté », « aimer », « chair », « mot », « chance », goût », ou « bonheur », ne recouvrent en fait pas du tout la même réalité quand on passe d’une langue européenne à une autre… L’Europe possède un foisonnement linguistique et culturel : c’est une de ses grandes richesses, ne nous privons pas de cet atout.

Et dans notre commune ?

À Woluwe-Saint-Pierre, comme un peu partout à Bruxelles, la tentation d’utiliser l’anglais au détriment du français et du néerlandais est grande. Pour preuve, les bornes d’accueil « Stockel4you », les consignes COVID uniquement en anglais à l’entrée des galeries commerciales et même notre centre sportif fièrement rebaptisé, il y a quelques années, Sport-City…

Pour DéFI les contraintes du bilinguisme ne peuvent justifier l’effacement des appellations en langues française et néerlandaise au profit de l’anglais, au détriment de la diversité culturelle, valeur commune à tous les Bruxellois et Bruxelloises. Ma volonté politique est que notre commune soit porteuse de la diversité et non de l’appauvrissement culturel par l’uniformisation linguistique.

*Anglais au vocabulaire limité et à la syntaxe élémentaire, employé comme langue véhiculaire