Chien qui court

Non à une capitale hostile aux chiens !

Plus de 89 000 chiens sont répertoriés en région bruxelloise. Or dans la capitale, selon Jonathan de Patoul (vétérinaire et député bruxellois) et Florence Couldrey (échevine à Auderghem), les espaces où les promenades sont possibles sans laisse sont peu nombreux. Et cela risque d’être encore davantage problématique, depuis que la forêt de Soignes a décidé d’interdire les balades sans laisse.

Qu’on se le dise : les Bruxellois aiment les animaux et les chiens occupent une grande place dans leur coeur. Cela ne fait pas l’ombre d’un doute : en 2021, 89.204 chiens étaient enregistrés sur Dog ID.

Qui dit chien, dit balade. A Bruxelles, la réglementation concernant les promenades de nos toutous adorés est quasi la même pour tous les espaces verts : les chiens y sont admis si, et seulement si, ils sont tenus en laisse. A quelques exceptions près : selon les communes, on peut trouver dans les parcs une ou quelques zones de liberté pour chiens, clôturées ou non.

Mais avouons-le : à Bruxelles, les espaces de liberté pour chien sont peu nombreux. A Auderghem, en 2021, 3.467 chiens étaient enregistrés sur Dog Id. Une seule zone de liberté non clôturée au Parc Seny leur est consacrée en dehors de zones de liberté en Forêt de Soignes. Autant le dire, obtenir d’autres espaces nécessite d’être déterminé. Bruxelles-Environnement reçoit beaucoup de sollicitations d’usagers en tout genre et ne semble pas spontanément prête à augmenter les espaces destinés aux chiens. Socialiser, se dépenser, jouer avec un autre chien sont pourtant des activités essentielles à l’équilibre d’un chien. De nombreux troubles comportementaux résultent d’un manque d’exercice physique, d’une énergie qui n’arrive pas à s’évacuer en suffisance et qui se transforme alors en aboiements, destruction, fugue ou agressivité.

Déambuler en liberté offre un exercice physique très différent de la marche en laisse. Un jour, cette possibilité pourrait faire partie du passé pour bon nombre de canidés. Le 5 février dernier, la Fondation de la Forêt de Soignes l’a annoncé à la presse : son souhait est d’avoir des chiens tenus en laisse partout dans la Forêt de Soignes sauf dans des zones clôturées à définir.

La volonté ? « Harmoniser les pratiques » entre les parties bruxelloise, wallonne et flamande de la Forêt de Soignes. D’un point de vue théorique, le souhait peut se comprendre. D’un point de vue pratique, c’est autre chose. Tout le monde le sait : la taille et la fréquence des espaces de liberté pour chiens ne sont pas identiques à Bruxelles, en Wallonie et en Flandre. Pourquoi diable harmoniser des règles lorsque l’on sait que les contextes sont si différents? Pour protéger les chevreuils, explique-t-on à la Fondation de la Forêt de Soignes. Selon elle, 34 chevreuils seraient décédés à cause de chiens domestiques laissés en liberté. Pour être précis : quinze dans la partie bruxelloise de la Forêt de Soignes. Dix-neuf chevreuils seraient donc décédés dans les parties wallonne et flamande de la Forêt de Soignes, c’est-à-dire, là où la laisse pour le chien est obligatoire.

Et si le décès des chevreuils n’était pas uniquement lié aux chiens ? C’est ce que semble affirmer l’étude scientifique parue sur le site de Nature et Forêt en septembre 2021 concernant le recensement des chevreuils de la période 2008-2021: « une mortalité plus élevée (de chevreuils) pourrait être causée par une augmentation de maladies, la prédation, ou par les chiens errants, ainsi que les collisions routières. Cependant, nous n’avons pas de données sur le nombre d’animaux trouvés morts ou sur les populations d’éventuels prédateurs dans et autour de la forêt sonienne. (…) De même aucun changement de la pression récréative n’est actuellement documenté. Une pression récréative accrue peut entraîner une émigration vers des endroits plus calmes à l’intérieur ou à l’extérieur de la forêt, ou un changement de comportement des chevreuils ».

Si la nécessité d’agir pour préserver le poumon vert de notre capitale qu’est la Forêt de Soignes est une évidence, on peut s’interroger sur la méthode préconisée pour y arriver. Et si avant de prescrire une solution, on commençait par analyser le problème dans son ensemble et on proposait des solutions qui adressent toutes les causes? Que dire de la responsabilité des cyclistes ? Des cavaliers ? Des joggeurs ? Des enfants qui crient et font des cabanes en dehors des chemins ? Des badauds qui oublient distraitement leurs déchets çà et là?

Et si Bruxelles Environnement lançait une vaste campagne de sensibilisation pour préserver la forêt de Soignes, sa faune et sa flore? Et si elle, qui gère la majorité des espaces verts bruxellois, développait un vrai « plan chien » pour Bruxelles en concertation avec les acteurs du bien-être animal et les élus en charge du bien-être animal? Lâcher son chien implique des règles de respect : avoir son chien sous contrôle, sociabilisé et éduqué. Un plan d’action doit être élaboré.

Nos toutous jouent un rôle important dans nos vies. Ils sont un facteur d’éveil pour l’enfant, un lien affectif pour les personnes âgées, des assistants pour les personnes en situation de handicap. Si les bienfaits de la présence d’animaux de compagnie à nos côtés ne sont plus à démontrer, il est en retour primordial de se préoccuper de leurs besoins, qu’ils soient physiologiques, éthologiques ou de santé. Préserver leur santé est une nécessité.

Jonathan de Patoul, vétérinaire Député Bruxellois Défi & Florence Couldrey Échevine Défi en charge du bien-être animal à Auderghem.